le 26/04/05

Daredevil's : Back to Homoland, Empire Perdu Retrouvé

Souvenirs d'une convers avec ma voisine préférée : " Mais attends Dard, toi on te parle d'homosexualité, tu trouve ça tout à fait normal.. mais c'est parce que tu baignes dedans ! N'oublie pas que la plupart des gens trouvent ça contre-nature ! "

Ah ?

En général, à ce genre d'assertions, je réponds par ma petite théorie à moi : " Mais non, l'homosexualité a toujours existé partout et depuis toujours, donc les gens connaissent.. "

Bref, je m'interroge sur ces pertes de mémoire collective qu'ont " les gens " s'agissant d'un phénomène (si on peut parler de " phénomène " pfff) universellement répandu.

Je viens de voir Novembermond, très beau film, sur l'occupation allemande en France au cours de la deuxième GM. Et, relatant l'histoire d'amour de deux femmes dont l'une est juive et a fui l'Allemagne nazie, il m'a semblé que ce film relatait la période, tout aussi bien que n'importe quel autre du même genre..

Between two women, lequel décrit la vie ouvrière en Angleterre (bon là pour les dates désolée, je ne suis pas assez fortiche, au temps de la machine à vapeur me semble-t-il pour ce qui est des trains et des usines..)

Turn left after the end of the world, lequel se passe en 1968 en Israël, décrit une époque de la colonisation du pays et les amours adolescentes de deux jeunes filles, un petit peu comme dans Fucking Amal lequel se passait dans un pays scandinave (je ne me mouille pas, je ne me rappelle plus lequel nooon plus)

Citons encore au passage Fire de Deepa Mehta pour multiplier l'exotisme.. lequel se passe en Inde au carrefour du choc des cultures.

Je franchis allègrement ce pas me permettant d'asséner que ces histoires-là ont toujours eu lieu et partout !! (Coucou Lapalisse ça faisait longtemps !!)

" Il ne me semble pas qu'il y ait eu de fossé ni historique ni géographique, s'agissant des amours homosexuelles. "

Alors ? Culturellement ? De qui l'homosexualité est-il bien l'apanage pour que " les gens " jaugent le " phénomène " comme débarquant d'un monde alien ?

Vous connaissez par cœur je présume, une des remarques " classiques " en réponse au come out : " on n'a jamais eu ça chez nous ! " Ben voyons ! Et si pour toute réponse, vous avez le culot de ressortir les x files de famille, on vous accusera (côté homo ce coup-ci) de vouloir prouver le caractère génétique et héréditaire de la chose..

Bon, sans rien vouloir prouver à personne..

Toutes les mythologies ce me semble, sont truffées d'histoires homosexuelles, et pour le coup, on vous dira que le dieu ou la déesse en question étaient hermaphrodites, ben voyons..

Dix pour cent de la population mondiale partout, et à toutes les époques, non mais vous vous rendez compte du nombre de guts que ça fait ? Et l'Histoire les a tous passés à la trappe ? Un petit peu comme les femmes vous me direz, quand on écrit l'histoire, on ne parle pour ainsi dire jamais des femmes.. quoique, le mythe des Amazones.. les Mille et Une Nuits et autres harems.. l'histoire sainte quoique salace de nos bons rois de France et d'Angleterre.. (ah bon les rois ne sont pas des femmes ?)

N'empêche, sérieusement, dix pour cent de la population adulte d'un pays c'est plus qu'il n'en faut non seulement pour du lobbying, mais encore pour gagner des élections !!! Alors ?

La première idée consisterait à dire que ce sont 90% de la population qui délibérément ont occulté les autres.. Et si tout simplement, a contrario, c'étaient 10% de ladite population qui aient choisi d'adhérer librement aux mythes collectifs en effaçant ce détail de leur histoire afin de rendre compte juste à l'Histoire ?

Enfin, ce que je veux dire par là, c'est que le mythe hétéronormé ne s'est probablement pas construit tout seul.. que nécessairement il a été cautionné par ceux-là même qu'il met à l'index ! Elle est statistique mon hypothèse, mais..

Si elle était avérée, deux questions alors font jour : 1/ Pourquoi, pour quelles raisons morales ou intellectuelles nous sommes nous absentés des livres d'Histoire comme des manuels scolaires de littérature ? 2/ Et si, indépendant néanmoins d'une volonté déterminante des homosexuels à se cacher, comment ?

Alors bon, ne faites pas ressurgir les souvenirs de lycée, conservez compulsivement ce petit plaisir tout lesbien pour le Divan, et histoire de changer interviewez vos copains/copines.. titillez les, jusqu'au fond des tripes, soulignez les paradoxes, les contradictions dans le discours.. et.. ben, il ressort, le complexe de culpabilité ! Notez, il n'est pas nécessairement exogène ce complexe de culpabilité, il n'a que le mérite d'être là, enfoui ou non.

Bon, on va me dire que j'ai du culot de supposer que ce sentiment de culpabilité ce ne sont pas les autres qui nous l'inculquent, nous le font peser.. n'empêche, j'ai ce sentiment que coupables nous nous sentons avant même d'avoir compris que nous étions homosexuels, et quand bien même personne ne vous le reprocherait ; et pour cause, si vous-même n'êtes pas au courant, ils seraient drôlement extralucides, les autres, à avoir remarqué ça avant vous.. Bref, nous aurions des idéaux qui nous excluent, non pas imposés par la majorité, mais que consciemment ou non nous confortons..

J'en viens au comment. Comment dix pour cent de la population passent-ils pour des anormaux ? Dix pour cent c'est une norme en soi ! Je ne suis pas convaincue qu'on puisse déterminer beaucoup d'autres groupes de population les amenant à ce chiffre autour d'un point commun : la couleur des yeux ? bon, et en dehors de l'anatomie ou de caractères génétiques exotiques, il en reste combien ?

Par ailleurs, un point qui me semble " moderne " s'agissant des homosexuels aujourd'hui, et le " comment " est peut être là : c'est une certaine forme de recherche identitaire. Vous avez remarqué combien le terme de " communauté homosexuelle " devient récurrent, sans que nous ne soyons encore parvenus à le définir ? Et cette culture homosexuelle, ce vocable, ces définitions de genre, sur lesquelles nous ne tombons jamais d'accord ? Bref, il me semble que si ces dix pour cent n'ont jamais voulu se montrer, c'est qu'individuellement nous ne nous sentons jamais rien en commun les uns les autres.

Est-ce un refus catégorique d'être indiqués sur nos seuls critères d'orientation sexuelle (vivent les tabous etc..) ? Pas uniquement. C'est avant tout je crois, sur un très bel échantillon de population la marque d'une caractéristique du genre humain tout entier. Le sentiment que nous avons de nous-mêmes, l'ego, le refus d'engagement, mais plus encore, l'absence totale d'une volonté de solidarité.

Aujourd'hui nous reparlons de solidarité entre pays riches, pays pauvres, solidarité entre génération, euroscepticisme, sectarisme de tout poil..

Bref, les homos (à titre collectif hein, pas individuellement ?!!) font la preuve malgré eux, que si l'on s'exclue soi-même, si l'on n'établit pas de liens sociaux, c'est avant tout une forme de nombrilisme dont ils n'ont absolument pas l'exclusivité. Mais, s'agissant d'une minorité affligée, on ne peut que souligner, une fois de plus, un tit côté regrettable, à être ces êtres humains parfaitement représentatifs de tous les autres quant à un certain manque d'ouverture d'esprit, d'ouverture de cœur..

A en croire nos aspirations identitaires récurrentes, donc, aujourd'hui, nous aurions une communauté gay à reconstruire.. et pas uniquement fondée sur des principes marketing.. et pas non plus à se réapproprier les valeurs hétéronormées tombées en désuétude comme on voudrait nous le faire croire à citer pour exemples le mariage homo ou nos revendications relatives au droit d'adoption.

Tout en faisant fi des tickets perdants hétéronormatifs, nous aurions cette possibilité d'être totalement exemplaires, quant à mettre en exergue des valeurs qui ne soient pas uniquement festives. Parce que des points communs et des traits de comportement exclusifs nous en avons..

Pour n'en citer qu'un relatif à notre " humanisme " tout singulier, selon une interprétation du texte biblique tout à fait valide (ze mythologie locale): l'homosexualité est un trait de caractère indépendant. Lequel même a une vocation.

Selon cette interprétation, la faculté d'aimer " différemment " est aussi faculté à aimer universellement, la différence d'orientation sexuelle est vocation à une philanthropie sincère. Là serait ce qu'ont de possible commun tous les homos de tous les temps et de toutes les générations. J'avoue que personnellement, à titre de quart de noblesse, rien ne me laisserait plus envieuse !!!

Et si je résume ces trois pages : nous avons à définir nos traits et valeurs communs sur un modèle propre et original, nous en avons le potentiel jusque là jamais utilisé.. et si parfois nous nous sentons " coupables ", c'est peut être que plus que d'autres, nous avons conscience de notre égoïsme ce qui paradoxalement est une vocation en soi à l'altérité.

Argh ya des matins, qu'est-ce que je suis contente et fière d'être homo !

Dardevil ;-)

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