Les Lettres Agrafées
Carpe Diem Le vide
L'appel Symbole
Le rêve La marche à la gloire !
Le pont de bois Sol lucet omnibus
Salomé Paraphe
Le légionnaire Le voyage
Je marche Ce soir, disais-je
Il est temps de savoir Le trismégiste
L'union La chanson du vagabond fou
La noce ! La cavalcade
Scat Post it

Le Roman interdit
Intro
Disneyland
La fugue
L'un secte
Le ban
Petits billets doux
les bûcherons

Le paysage suspendu
Petits poèmes
Et autres..
 

Carpe diem

Carpe diem,
Me dis-tu en en doutant toi-même, c'est humain
J'ai alors vu le jour surgir comme d'un chaos originel
Transparent et pur comme il ne le fut jamais
Si lamentable, triste, je songeai ô indigne:
Qui plus était je dis:
Alea jacta est
Tant que dans un regard, un soupir indicible
Je retrouvai la vie et la reconnaissais
Après avoir brassé, retrouvé mes tourments
Refoulé autant de sentiments ? - je plaisante
Le bien et le mal dans leur combat de titans
S'épuisaient quand elle renaissait, la vérité
Cet air, cette étincelle, ce feu d'où me viennent-ils ?
Curieuse, je cherchais en moi et ne trouvais rien

Qui m'appartienne en propre en ce souverain bien
Très calme, à ce moment, j'écartai le futile
Goûtai comme à une renaissance - ton amitié
Les mots et les maux repartaient aux jours absents
Et la Douleur même, me devenait apaisante
Est-ce l'oubli ou est-ce un nouveau bond en avant ?
Si je retrouve le sens, ne dis pas: il était
Cet étrange qui me ronge, cette folie invincible
Je sais que je le hais
Veni, vidi, vici
Dans ce ciel imaginaire je vois comme un signe
C'était un mur de pierres.. tu en as beaucoup fait,
Posé assurément, pour me construire et épuiser le fiel
Jetant un cri inaudible j'articule enfin:
Ego sum.

(Pour Sandrine, Lyon 1992)

 

 

Le Vide

Et c'est peut-être au plus profond de moi
Que j'ai peur de tomber
Sur mes souvenirs comme dans la rocaille
Et ça ne ressemble peut-être qu'à toi
Ce Tout, ce rien de mort assassinée
Qu'il se rappelle le paysage de mes entrailles...

De froides falaises escarpées comme de vécus
Comme d'aventures à l'eau
Goutte à goutte de désert apeuré
Sinistre paysage qui n'en peut plus
De glaciers inhumains et chauds
Au sommet, une pensée

De grises villes comme de toits
Qui vivent sans avancer
De poutres tout comme de pailles
Il n'est que ton parfum: la joie
Ce fil, ce mythe échevelé
Je ne sais plus, où que j'aille

De vertes prairies imaginaires
Tout comme du sang de la terre
Je cherche un lieu, mon espace

Pour être libre et te complaire
Tu es première, tu es ma chose dernière
Et je ne comprends pas, je n'ai plus de place

Tu es première, tu es ma chose dernière

 

 

L'appel

Le temps comme une fugue
Mélodie incertaine
Aux promesses de transfuge
0 la mélodie inhumaine.

J'ai fermé mon regard
Aux fins de ne plus te voir, encore
Et m'éteins par hasard
Pour taire les mots que j'adore

Les mains dans les poches
Et cheveux au vent
Je suis dérisoire en Gavroche
Je pleure mais je t'entends

Il n'est pas de soleil
Qui ne soit miroir
Ou rappel aux feux vermeils
Qui ne soit encensoir

De ton rire comme d'une étoile
Lointaine, un bout de braise
Sur cette mer sans escale
Je vis le Tout de silences et de foutaises!

Il n'est de jour incomparable
Ou de nuit immémorable
D'instant inébranlable
De délicieux irréparable

Qui ne chante tel un corbeau noir
Que puis-je dire alors
Ou faire de cet illusoire ?
Je ne suis plus et je t'entends encore.

(Pour Rachel, Châtel 1988)

 

 

Symbole

S'il fallait trouver les mots
J'en serais bien incapable
Mais pour les faits tantôt
Il n'en serait de comparable

Il n'existe pas de montagne, de pic
Que je ne saurais franchir
Et comme Cléopâtre pour finir
Je choisirais l'aspic

Il ne saurait être de rivière infranchissable
Que je n'apprenne à nager
Pour ton image ineffable
Comme un symbole de vérité

A ces aveux sincères et tortionnaires
Il ne doit y avoir de preuve tangible
Même si j'oublie l'oeuvre salutaire
Il ne sera pas dit que cet inaccessible

L'irrationnel de mes jours
La satiété de mes nuits
Ne me délivre pour l'éternité
Au nom fallacieux du fleuve de toujours

Il ne sera pas dit ma dignité
Que je te bafoue en mes tréfonds
Que je me sens comme déchiré
Ou que la lune tourne en rond.

 

 

Le rêve

Et si j'étais un poète le plus grand
Tu serais le sujet immortel des ans
Je ne suis que bouffon et tu ne seras rien
Que si tu le veux bien

J'en appelle à ton nom sans voix
Et le répète cent et une fois
Qu'il se perde dans la nuit sans loi
Ou peut-être au fin fond de moi

Je saurais dire alors
Qu'il n'est rien de plus admirable encore
Et écrire pour la postérité
Ce que valent ces yeux à un damné

Rien, rien, rien!
Mille et une fois rien!
Puisque je ne suis pas aujourd'hui
Rien, peut-être même parce que je vis

Que l'hymne de gloire impérissable
Porte ton nom aux nuées inénarrables
Qu'il ceigne le front de Zeus
Et fisse pâlir des envieux

Qu'il soit un signe, un secours
Pour moi dans le labour
Et je hurlerai ton nom
Une seule fois et un million

Paisible comme le temps qui nous oublie
Et me fait dire je suis
Lorsque tout est illusoire
Et que je me perds en toi comme dans une déboire

 

 

La marche à la gloire !

Est-ce que dans dix ans je te rêverai encore
Je crie sans l'imaginer, seras-tu encore
L'ombre de mes nuits, la lumière de mes jours
Seras-tu là comme partie de moi, serai-je toujours ?

Je te regarde aimante, sans oser te vivre
Comme un portrait de vie et je ne suis pas libre
Si pour te suivre il me fallait partir
Pour te survivre il me fallait finir ?

Je divague dans les rues sombres et claires
Qui portent ton nom comme un flambeau tortionnaire
Je ne suis peut-être plus, déjà
Si je t'appartiens ou ne t'appartiens pas

Je n'ose pas deviner le temps qu'il nous reste
A réaliser un destin aussi funeste
Je n'ose pas écrire les desseins d'éternité
Qui transformeront le rêve en ma réalité

Je t'appelle à mon chevet sensation, dol
Je contemple béat les falaises et l'envol
Où suis-je ? Où serai-je mon toujours
S'il fallait dire demain avant qu'il ne soit jour ?

Et je porte aux nuées les mains tendues comme à un juge
L'ignorance d'un enfant, la parole d'un transfuge
Cette marche lente vers l'éternité sans raison
Est-ce une force, est-ce mon imagination ?

Je crie sans l'imaginer, seras-tu encore
L'ombre de mes nuits indifférentes et mortelles
Seras-tu là comme partie de moi presque rebelle
Oserai-je les mots et peu à peu tu t'endors

Je te retrouve et tu n'es plus à toi-même
Je construis pour ce nous imaginaire le doux anathème
L'invocation perverse à la fin du crépuscule
Qui te porte aux sommets et m'étouffe, je recule.

(Claire)

 

 

Le pont de bois

Il n'est de fers plus implacables et sacrés
Plus respectables et prisonniers
D'un mal être inhérent
Il est heureux et inconscient!

Tu es un parfum qui sans cesse m'étonne
Se compose et se défait, qu'il détonne
Et se détache de toute forme d'idées
Rationnelles, il est éternité

Il n'est de fers plus acceptables et athées
Plus insondables et libérés
Des angoisses d'un jour de sang
Il est immortel dans le temps!

Tu es être qui toujours m'emprisonne
Sans nécessité et je me donne
A des millénaires de semblable piété
Irrationnels, mais ils auront été.

 

 

Sol lucet omnibus

Et si d'aventure il n'était qu'un soleil
Sinistre capable comme mille feux
D'éclairer un seul jour et l'éveil
De nos sens à ce principe glorieux

Nous irions comme autant d'aveugles et de certitudes
Vers des lendemains immémoriaux sans gloire
Seul prisonnier vers notre finitude
Semblables à la seule vérité et à très peu d'espoir

Il serait le magnifique et éternel céans
Simple témoin paraphe au livre d'or
De nos échecs qui construisent tes ans
Et se perdent dans une lumière sans corps

Potaches, nous écririons encore
Les versets du monde comme une liturgie sans fin
Mus par la magie des mots, toute vide amphore
De mille maux inconscients et synonymes du destin

Il est un nombre sans limites de lois
Pour bafouer impitoyable notre non-être
Il n'en est qu'une par homme et un million de fois
Je suis un autre moi, un paraître

Au jour d'appeler ce que je suis
A une maîtrise du monde qui m'est extérieure
Pour un regard bleu de mer et d'infini
Il n'est plus guide ni sens, je demeure.



Dessin de Gaëlle: "Rêverie"  



 

Salomé

Et pour nom d'emprunt
Je te donnais celui de Salomé
Aux parfums d'Orient et de Jasmin
Pour l'aurore enivrante d'un soir d'été
Aux fruits de l'oubli
Au cri d'éternité

Je respirais ce nom
Il pénétrait ma chair
Puis disparût sans raison
Au bord des lèvres un goût amer
Au bord des yeux un précipice infini
Je me languis des yeux de mer

Je suis goéland le long des mâts
Pendu, plus mort que vif
Libre de croire, sursitaire déjà
J'aime le parfum des roses et le son des ifs
Ils sont inconnus à l'oiseau de mer que je décris
Son âme percée par hasard, ses nerfs à vif

J'aime le chant langoureux du vent
Qui caresse les plaines et les vaux
S'éteint au pied des monts tremblants
Et renaît dans les cieux infernaux
Ils sont semblables à mon rêve indéfini
Ce rêve d'être le vent à fleur de peau

Et pour oublier la tendresse j'ai le vin
Triste hommage que celui désespéré
Du manchot qui te prête main
Pour l'amour impuissant d'un rêve exorcisé
0 combien il est fidèle et petit
0 comme il est humain ce déchet!

J'appelle toujours ton nom
Transie et grabataire
Puis je me tais sans raison
Au bord de mes larmes ce récit pervers
Au bord de la planche un pirate crie
Je me languis de tes yeux de mer

Je suis goéland le long des mâts
Et rat crevé et piler de bars maudits
Qui broie du noir, ne sait pas où il va
J'aime ce que je sens, je devine l'envie
Comme un bourgeon fragile un germe de vie
Tu es silence et je vénère ce bruit

Je vénère en aveugle le respect inaliénable des choses
Qui les regarde et me conforte dans une volonté
De vivre, je vénère la sensuelle prose
Qui te fait être et me fait me prostrer
Elle est détestable ton image elle me détruit
Je voudrais m'y confondre et pour l'éternité.

 

 

Paraphe

Je ne sais plus dire que ces trois mots
Je ne suis plus rien
J'aspire à ce souverain bien
Synonyme du pire des maux

Je vais à ces yeux, solitaire
En un va et vient de mer
Jamais je n'y entre je me brise
Sur des lames exquises
Quelque ascètes fugitives
Quelques espaces transitives

Il est une certaine façon
Bienveillante
D'obliger son prochain
Qui ne manque pas de le briser
Tout en sauvant sa carcasse
Je me sens impuissant et con
Tu es vingt, je suis trente
Je t'attends en vain
Citoyen et sans oser
Conformiste, le temps passe

Qui me brisera que je ne le fasse moi-même
Du haut de ces récifs teigneux
Je me jetterai dans le bleu
Qui sera noir anathème
Qui sera délivrance
Qui sera transhumance

Je suivrai tes jours et tes nuits
Sans jamais n'être à toi
Sans plus dire je suis
Affranchie des lois
Mais pas de ton joug
Mais pas de ton coup.

 

 

Le légionnaire

Je rêve à ce non-réalisable
Le corps transi et brûlé
Les mains enfouies dans le sable,
Les poings serrés

Les orbites creuses sous le soleil
La peau tannée
Écorché vif, le sang vermeil
Le cerveau en feu, désespéré

Mon corps contemple le monde inaltérable
Faible puisqu'humain
Humain et trop vulnérable
Je ne suis plus, je suis bien

J'harrengue ce monstre de mon silence
Je suis meurtri et je domine
Je suis soumis, je suis arrogance
Je compte sans les aimer des heures assassines

Le vent m'emporte peu à peu
Et tout autour de moi, le sort enviable
Il se fait des jours adorables et des nuits de feux
D'éternité et de pureté sans eux, sans fables

Je me mêle au temps qui chaque jour te portera l'hommage
De serments éternels et platoniques admirables
Qui te portera en son sein et sera gage
Des mers de fleurs, des îles vertes inabordables

Je me mêle à des mots qui jamais ne t'atteindront
Diront la grâce, le bonheur et l'ignorance
Ces mots que tous les autres liront
Qui martèleront en eux ma passion, mes absences.


 

Le voyage

J'irai revoir les espaces turbulents de tant et tant d'exactions lointaines
Qui prennent ton nom comme une empreinte souveraine
Marquent ma chair le sceau infernal ! royal emblème
Je porte en moi pour toute haire ce doux anathème.

Je suis le triste sire sempiternel et infâme voyageur
Celui que tu ne connais pas ni même que le labeur
Du bout des doigts de ces mains adorées et serties
Qui filent les années comme une joie d'aimer à l'envie

Je ne t'ai rien pris et j'adore ton image
Tu ne m'as rien dit et déjà pour mirage
J'ai le son harmonique de ta voix, une myriade de notes
Qui martèlent en moi telles mille ravageuses cohortes

Je marcherai la tête basse honteux percepteur
Pour dire au monde et pour lui taire, l'étrange torpeur
Qui m'a saisi et me domine, m'accable et m'anime
J'irai tous les endroits et les éthers offensifs que ton parfum illumine

 

 

Je marche

A l'aube industrielle d'un monde noir
Semblable au néant chaotique des premiers désespoirs
Surgie de l'enfer ignorant et bienséant social
Renaît l'influence banale des aberrations éternelles et commerciales
Régissant l'être, le non-être, le paraître des abbatiales
Intrinsèques et prisonnières du moindre mal.

Au moment inopportun et insensé d'un éveil au jour
Je te regarde et nous regarde comme d'hypocrites contours
Jouets affables et éduqués dans un tabernacle de vautours
Obligeants et respectueux des règles à leur tour
Qu'est-ce donc que ce magma attentif et méprisant
Que cette ombre de pacte pervers et fluide, cet encens

Il ne t'apporte rien ce spectacle des ans, ce fiel de guignol atterrant
J'en appelle aux tempêtes et bourrasques novatrices, plus d'atermoiements
Que je te méprise en silence et que tu me reconnaisse pour différent
D'un toi porté par l'Atlas ayant ramené les pommes d'or, saignant
Seul, prisonnier du destin, seul altruiste enchaîné sur ce bateau pirate
Livré aux fleuves, aux sirènes, aux monstres, aux carpates

Et si le désir naît avec le jour meurt avec le soir
Mu des langoureux rythmes de l'encensoir
Comme un calvaire trébuchant sur les marches de la gloire
Mu par la pitié de ce monde pour son passé décadent son avenir buttoir
Lamentable et dessiné de coups de pied dans le vide une débandade
Des derniers sursauts d'un mourant éventré, de ses sinistres saccades

J'en appelle à l'avenir comme seule main de justice honorable
Tremble vermisseau, hirondelle déchue, cuisine, grotesque tapenade
Des intestins et essences de l'homme broyé, de cette larve
Flambeau lumineux terne un soir, petit crapeau gazouillant dans sa bave...

 

 

Ce soir, disais-je

Et je regarde Fourvière illuminée
Et son ombre dans la nuit
Qui s'étend entre le Rhône et ma Saône
Entre homme et femme
Entre bien et mal
Comme un flambeau dans le brouillard
Sereine effigie du temps sacré

Je nous regarde saumâtres comme des maccabés
Immondes et sans bruit
Je descends le long des eaux autonomes
Entre tempête et calme
Entre la terre et les étoiles
Tel un fantôme un jour plus tard
Amène une mémoire de sang tracé

Je les aime dit le poète éberlué
Et remonte à la source de la vie
Il est un et antinome
Entre l'absolu et un néant qui brame
Entre deux lignes banales
Pour un esthète au rythme des hasards
Humaine, dit-il, et tragique destinée..

 

 

Il est temps de savoir

J'attends, et seul le temps revient
Les yeux perdus à l'horizon et il dépeint
La revanche de notre gloire sacrée
Il porte hommage aux jours absents désespérés

Il sourit de ce cynique destin
Hausse des épaules l'assassin
De jours comme de secondes inachevés
Intenses et salutaires mais dépareillés

Je guette et je sais qu'il ne viendra rien
Les poings serrés, insatisfait, à jeun
Je crèverai là comme un damné
C'est la mer immense qui a tout emporté

Vents et rafales, tempêtes, bourrasques, crachins
Pour faire le vide, faire qu'il n'y ait plus rien
Des images translucides brisent la grève et ce dessein

Tu arriveras et je ne sera plus, liberté
Je nous regarderai comme un vieux couple de divorcés
S'envoyer sans y croire du bout des doigts quelques funestes baisers.

 

 

Le trismégiste

Comment ne pas imaginer que cette époque du jour a la couleur
Des yeux fallacieux et immensément vides cause de ma torpeur
En silence je me meus sur le bord des rues
A attendre en sifflant qu'il m'apporte son salut

Et je retournerai à ces tâches ingrates qui ont la couleur
Des yeux fallacieux et intensément ailleurs cause de ma torpeur
Un matin crépusculaire renaît et n'en puis déjà plus
Il s'éveille à la vie mais je suis perdue

Une reinette a crevé la surface de l'eau tout à l'heure
Elle a les yeux bleus comme le ciel - par erreur -
Du matin qui est témoin de mes berlues
Jusqu'à ce que le soir aussi arrive comme une bévue

Le monde renaît mais je ne l'ai pas même quitté une heure
Ni un dixième, je suis le soleil avec rancoeur
Autour de la terre pour qu'il soit le crépuscule venu
Témoin silencieux, narrateur complice de ses regards survenus

 

 

L'union

Longtemps, j'ai imaginé ta surprise
Au jour de nos retrouvailles
Et le souffle de la mer exquise
Sur ce merveilleux visage, ou caressant mes cheveux
Ton regard acerbe perforait mes entrailles
Je serais mort debout pour ces yeux bleus

Puis très lentement un parfum de feu
Aurait saisi ma chair, au plus profond de moi
J'ai imaginé un moment où enfin à deux
Le temps ne compterait plus
Mon rêve vénère ces instants sans loi
Jusqu'au petit matin qui n'en peut plus

Le son de ta voix remontant enfin des gouffres amers
Où ma mémoire l'avait laissé choir
La traîtresse me rendait une musique berbère
Pour une mélodie marine qui n'en finit pas
Le flux et reflux du divin ostentatoire
Je baiserai la musique de tes pas

Je frémis sans oser penser à ta main sur ma peau
Les longs filins de tes doigts incertains
Se reflétant dans mes larmes, d'ignorantes gouttes d'eau
Muet, transi et immobile je t'attendrai
Il fera jour en moi avant qu'il ne soit de lendemain
Renaissant à la source première, aux caresses des cyprès

Saurai-je enfin goûter à ces lèvres couleur de sang
Nos souffles haletants et mêlés
Aussi bien que j'ai attendu un million d'ans
Hésitant et fourbu chevalier échevelé à genoux
L'âme vierge pour deux-mille ans et les mains liées
Brûlant de fièvre, incertain, presque fou

J'offrirai à mon tour des mains assassines à l'inconnu
Elles te découvriront pas à pas et ce chemin de foi
Je le parcourrai tel un funambule le souffle retenu
Elles se perdront sur des océans de lumière
Tu seras mon guide en ces espaces incertains et rois
Je serai enfant, tu seras leur prison dernière

J'écouterai ta vie murmurer les éloges précieux
De la vie qui renaît dans ces battements du temps
Je n'imagine aucune musique silencieuse, aucun son plus langoureux
Composée de mille couleurs d'arc en ciel
Fragiles et insatiables insolemment
Je m'unirai à ce murmure éternel

Ma présence sera illusion et senteurs charnelles
Imperceptibles mais volontaires
Insufflées à ton corps presque rebelle
Goutte à goutte sur le chemin de vie
Deux essences inaudibles s'iront mêler dans les éthers
Dans ces nuages bleu horizon c'est l'incendie

Au soir, je te regarderai doucement fermer les yeux
Je serai le gardien de cet embrasement
Noyé dans le souvenir fugace de notre union en bleu
Chevalier errant tous nos sens confondus
Tu seras paisible et je serai tremblant
Tandis que le silence scellera à jamais notre union éperdue

 

 

La chanson du vagabond fou

Je sentis un regard de fleur le long du chemin
Comme appelé par la mélodie marine des senteurs, feint,
Allongé, caressé par l'herbe brillante et vermeille
Son goût panaché tel un million d'étincelles

Voilà la chanson du vagabond fou chemin faisant
Sa voix lyrique et éternelle sans un tremblement
Bercée par la nuit, porté par le vent au grand galop
Fils de l'étoile du nord et quelques mots de trop

J'entends la douceur suave du parfum qui
Jamais ne trahit il est embrun, il est honnit
Assoupi, bercé sur le dos du lion de Némée
Je suis chevalier-roi, invincible, ceint de l'épée

Le deuxième couplet chaotique au fil du temps
S'est altéré comme la canne sur une toile de cent ans
Passe et repasse insolemment mais sans un mot
Quel âge a-t-il ce ménestrel ? demande un ballot

Aucun mes paroles sont sacrées jusqu'à la dernière des rimes
Et tout contrevenant malhabile goûtera aux abîmes
Porteur du message renégat, du serment de foi
Fait par un enfant à la fleur "ne m'oublies pas".

Mes pieds touchent le soleil et les mains sur des rais de lune
M'emportent, je bois le vent léger et insatiable vers l'une
Qui file, l'autre je ne sais, la dernière coupe ce lien
Qui nous unit comme des chaînes dans notre prison de jais, comme ce rien.

 

 

La noce !

Juste témoin des noces de Philémon et Baucis
Dont les bois se mêlent pour ceindre le front de la déesse
La nature en fait les honore
Il pénètre en moi, cet hymne à la vie

Je pose un regard lourd et nostalgique
Sur le bonheur millénaire et insatiable
Et je nous vois plus raides que des ifs
Je dis: le monde est sans logique

Mus l'un par l'autre et la lumière sans merci
Nous allons comme des bêtes de cirque
Sans jamais nous rejoindre

Je ferais de nos voies des sentiers tortueux à l'envie
Les arrêterais au bord d'une douce petite crique
Je plongerais dans tes yeux, je suis à plaindre

 

 

La cavalcade

Te souvient-il mon toujours de ces éthers imaginaires
Où je t'emmenais afin que tes yeux se mêlent à l'horizon ?
J'étais las de mille courses insensées, puis solitaire

Je m'allongeais alors et des bras de la terre je regardais l'Odéon

Nous étions face à face, si près et à trente six mille mètres
Les yeux ouverts je ne t'apercevais pas...
Les yeux fermés je te touchais du bout des doigts.

Repus, altéré, je n'avais plus alors qu'à disparaître

Le sol s'est ouvert aujourd'hui et c'est de son céans
Que je t'appelle tout comme le printemps qui renaît
Je suis au fond de la roche et j'embrasse l'océan!

Le sol est froid tout à coup, il est loin, le temps que j'espérais

Dans un passé dont tu n'as pas une conscience réel
Tu partages avec moi ce doux secret...
Et ladite conséquence m'aide à supporter tes jamais.

Nous sommes un comme l'eau et le feu, le bois et le fer, la terre et le ciel

 

 

Scat

Ver de terre amoureux d'une étoile
Vivre après le verbe survivre
Mate un peu, on se fait une toile ?
J'désaoûle, merdre, j'désennivre

La vieille crise de schizo
Le barge des familles
L'autre qui se fout à l'eau
Con comme la lune,
Rond comme une bille
Angoisses nocturnes...

Rêves de gloire
Misère de l'âme
Illusions sordides

Déboires à boire
Mystique du drame
Mecs insipides

Tu me prends le bu enfoiré
J'm'explose la tronche
Sans rien décider
Creux comme une conche
Marine et immortelle
Citadine et poubelles

Grabataire désastreux et à poil
T'dire et surtout t'redire
Qu'les mots comme le temps s'dépoilent
Alors quand partir, quand revenir ?

 

 

Post it

Mon soleil, ma vie etcaetera
Et tu oublies quand même
Donc je crève comme un rat
Et qui récolte sème

J'sais pas quoi t'dire
J'pense qu'à moi
A mon délire, à mon souffrir
J'rêve qu'de toi

J't'aime pas vraiment
J'sais bien
J'te veux tout l'temps
Les mots jouent à la putain

Ils mentent et s'taisent
J'te séduis plus
Carrément de la baise
La meuf, elle n'en peut plus

 

Le Roman interdit

 

Intro

"J'ai encor rêvé de toi cette nuit..."
Comme un effluve qui se perd, va et vole
Au fil de mes songes le pauvre fol
Encor, je me suis éveillé transi

J'ai peur comprends-tu
Il est des songes merveilleux et rares
Des jours sans fin, de tristes déboires
Qu'aucune présence ne tue

Tu anéantis chaque jour
Tu prends ressasse et rejette
Recompte, détruis et répète
Le jeu funambule de mes toujours

J'ai encor rêvé de toi, cet hymne terrible
Je le maudis du bout des mots
Il me déchire et c'est ce qu'il vaut
Longtemps et longtemps et longtemps, l'irascible!

 

 

Disneyland

J'errai parmi contes et bois
Du pays merveilleux et magique
Des aires où il était une fois
Des aires pures et poétiques

Sais-tu si je les dis tels ces lieux!
Je les dis charmants et fabuleux
Comme une musique à fleur de peau
Et ton parfum qui m'transperc'les os

Je les vois plus inimaginables encore
Je les sens plus impossibles et désirables
Irréels comme un parfait accord
Incarnés, tu es concevable!

J'errai donc, sur ton image sans nom
Que sept arts suffisent à vénérer
Et qu'un millier d'autres ne peut égaler
Je ne pense qu'à toi et te demande pardon

Je me suis oublié une fois de plus
J'ai ouvert le livre des ans
Au fil des pages ce monde trouble ma vue
Quelques arondes me brouillent les sens

J'errai et j'ai trouvé l'image de ma vie
J'ai pris pour moi quinze siècles de dépit
Et pour les dire mille sensations absolues
Qui offriront au monde le plus parfait des ut

 

 

La fugue

J'ai pris refuge dans les fougères au bord d'un lac
Pour me conter et vivre sous un manteau de brume
Notre histoire. J'ai eu peur que jamais ne se rallument
Les étoiles du ciel et tant et tant de ressacs

Dans mon terrier de rien du tout
Mon paradis du bout du monde
Je suis heureux, la lune est blonde
Je n'ai rien, je t'ai, et j'ai donc tout.

Lorsque la nuit s'allonge sur les eaux
Ce sont tes bras que je quitte pour Morphée
Et lorsque au bout du ciel l'aurore est née
C'est ton visage qui illumine les gouttes d'eau

Les jours ont passé sur ces images recousues
Sans charme et sans malice désormais
Mais toujours aussi douces qu'il y paraît
Je t'ai perdue et les flots m'ont secouru

Enfin je leur dirai mille légendes
Ils sont le témoin parfait, attentif et silencieux
Du misérable secret de ce petit vieux
Il m'étonnerait adieu, que jamais tu ne les entende

Comme il dormait le front ceint de roseaux
Les yeux perdus sur une longue barbe blanche
Une nymphe vint à passer, c'était dimanche
Elle était guide de ces cortèges royaux

 

 

L'un secte

J'entends les murmures de l'onde
Au milieu de la rivière
Et le bruissement des éphémères
C'est aujourd'hui leur ronde

Je les observe en silence
Ils renaissent à la vie
A l'aimer et meurent ainsi
Or chaque mois renaît cette danse

Je repense à d'autres temps lointains
Ton regard éclos renaissait à la lumière
Étincelant mais solitaire
Et se fermait comme un cachot d'airain

Par la porte à peine entrebâillée
Jaillissait un rayon de jour et la poussière
Je rêvais de l'attraper, j'étais à terre
Je me croyais capable de voler

Les insectes se sont tus désormais
La nature suit une logique de mystères
Ils sont inconnus, elle est notre mère
Mais tu perds le sens si tu te tais

La vie va telle une traîne princière
A ses devoirs et à émerveiller le jour
Son jeu séduit et emportera alentours
La raison de l'amazone guerrière

 

 

Le ban

J'étais au bord d'une cascade cristalline
A l'onde claire qui virevoltait
Chantait la naissance de la vie et combien de jamais
Ta voix emportait le cliquetis de la mélodie marine

Je me lançais alors à travers bois
Le jour était sombre, le sol noueux
Je trébuchais parfois sur quelque fallacieux
Tronc comme mille bras

Qui donc aurait su me retenir ?
Plus je te fuis et moins loin je vais
Mille lianes m'ont pris la gorge et je respire

Des fosses acerbes s'ouvraient sous mes pas
D'impensables fauves surgissaient
Vas! m'as-tu dis, je ne te retiens pas

Comme elle est vaine ta fugue! dit l'Eau en riant
Combien j'ai de peines, d'incertitudes, ah me jeter dedans!

 

 

Petits billets doux

Combien de soupirs encore
Avant qu'il ne soit jour
Combien de mots en vain
A attendre sans retour ?
A se complaindre et à gémir
Combien de funestes heures avant d'agir ?

J'ai la certitude du déjà vu
Ce rêve, Cet absurde
Je n'en veux plus
Et cependant je vais toujours

Combien de mots insipides
D'idéologies inutiles
De blessures à corps ouvert
Avant qu'il ne soit jour
Combien d'illusions embrasant le monde
A le meurtrir encore, à le meurtrir ?

J'attendrai jusqu'à l'aurore
Afin de chasser les vautours
J'attendrai de ne croire plus rien
Pour baisser les bras à mon tour
Pour geindre et pour détruire
Ce qu'un million d'ans nomme l'avenir

J'ai la sollicitude des m'as-tu vu
Pour compagne, la turpitude!
J'irai tous les us
Et renaîtrai aux toujours

Combien encore d'arachnides
De guerres civiles
D'aventures dans le désert
Se traînent en contre-jour ?
Combien de feux embrasant le monde
Destructeurs et éternels, à n'en plus finir ?

Avec le crépuscule ce soir
Le couvre-feu des anges
C'est la nuit qui tombe
Sur l'autre côté de ce monde

Mais je suis vivant dans le noir
J'ai le pouvoir que tout change
C'est la nuit qui s'effondre
Et l'espoir traîne par là comme une ombre...

 

Le paysage suspendu

 

Hors

Je rappelle à nos yeux éteints
L'appel, le doux embrun
De nos premiers instants,
C'étaient nos premiers pas
Je soupirais de temps en temps
Et tu ne me connaissais pas

Nous prenions alors pour marcher ensemble
Les sentiers sous les saules, sous les trembles
Les plus mystérieux à l'envie
Aux bords de l'eau en silence
Nous nous perdions parfois aussi
Au hasard, surtout par chance

Nos mots allaient tels nos pieds
Tremblants et attentifs, à peine voilés
Nos mains se cherchaient et nos soupirs
Sans se trouver jamais les maladroits
J'avais tant de choses alors à te dire
Aussi, j'avais confiance en toi

L'hiver sur cette saison qui n'existe pas
N'aurait alors pas du venir, pas là
Tout a gelé pour ne jamais renaître
Tout a fané et plus encore peut-être

Je ne suis pas magicienne pour donner vie aux choses
Et profaner le morne paysage où repose
Le seul amour dont j'ai été capable
Fragile, ténu, à n'être même pas coupable

 

 

En vers

Je rappelle à nos yeux qui hélas sont éteints
L'appel merveilleux, le délicat embrun
De nos premiers instants, c'étaient nos premiers pas
Je soupirais souvent que tu ne me connaisse pas

Nous choisissions alors pour marcher ensemble
Les sentiers sous les saules, et dessous les trembles
Ceux les plus mystérieux les rivages du silence
Nous nous perdions parfois par hasard non, par chance

Tous nos mots s'envolaient insouciants tels nos pieds
Tremblants et attentifs, des mots à peine voilés
Nos mains se recherchaient sans se trouver jamais
J'avais tant à te dire la confiance que j'avais!

L'hiver sur cette saison bien qu'elle n'existe pas
N'aurait pas du venir, car rien ne renaîtra
Tout a gelé, fané, et plus encore peut-être

Mort le seul amour dont j'ai pu être capable
Trop fragile, ténu à, n'en être même pas coupable
Laissons là ce morne paysage sans fenêtre

 

Petits poèmes

 

Un

Les mois, les saisons ont passé
Bientôt les années
Plonger dans ton ventre comme au magma de la terre
Et renaître à la lumière

Je n'ai pas perdu l'illusion impossible
Je n'ai perdu que mon âme indivisible
Cosmogonie fidèle de tes charmes passés
De mes souffrances par tes yeux armées

Je rêve encore et je ne respire même plus
Mon rêve comme un animal repu
S'est endormi sous le manteau de terre
Pour quelques millénaires

 

 

Deux

Le rideau est tombé
Rideau d'ombres sur mon sang bafoué
Je t'aime et ne le te dirai jamais
Je t'entends et tu me hais

Quelle sinistre comédie
Toute macabre hypothèse de vie
Nous sommes-nous l'une à l'autre jouée
Nos tendances, les aurions-nous expiées ?

 

 

Trois

Ton image comme mille cohortes inhumaines
Perfide exsangue et souterraine
Exhorte mes désirs en leurs tréfonds
Tu es absente je me morfonds

Liberté fier prix du sang
Que j'ai apprise et que j'apprends
A coups de poignards dans la nuit
De mes pensées il est minuit

Sonne le glas sonnent les heures
De vide et de condamnation majeure
Les rues sont en flammes
Labyrinthe de décombres en alarme

Aux poings soldats! hommes innocents!
Animaux et horde de tourments
Sous la pluie qui m'indiffère
Sous le soleil qui a brûlé la terre

Les épis blonds de blé
Ta chevelure, ont brûlé
Les larmes chaudes des montagnes
Ont tari, les puits, ma compagne

Tes refus ont creusé mon flanc
Comme le sel au matin blanc
J'irai sur le droit et le feu du ciel
Je serai foi tu seras fiel.

 

 

Quatre

Clair obscur lumière de tristesse
Hymne à la joie dans ma détresse
Pendant des sources de vie
Des vies et des bonheurs infinies

Ils nous montrent du doigt, tu m'abandonnes

 

 

Cinq

Onanisme

Quelle est donc cette douleur que je titille
Comme la croûte d'une plaie réouverte
Le sang coule, je vacille
Je pars à ta découverte

0 souvenir

Des années perdues de l'étreinte impossible
Comme chaque matin je rêvais de renaître
Le temps passe, liens invisibles
Poison dont je n'ai cessé de me repaître

Onirisme

Mots dont j'ai perdu le sens, rêves troublants
Je vais à toi du bout des mains et je sombre
Etoile de ma nuit d'argent
Délicat cimetière des ombres

Oraison

Funèbre et funeste ton corps tout de vie
Docteur Guillotin analgésique aussi devant
Martèle dans mon crâne cette mélodie
Je t'ai attendu je t'attendrai je t'attends

0 vous frères humains

Et inhumains aussi et vous mes soeurs
Qui êtes des mères à l'emprise assassine
Elles donnent la haine pour consolation à nos erreurs
Très chères muses musiques enfantines

 

Et autres..

 

L'exil

Maintenant que j'ai parcouru toute la Terre
Voudra-t-on bien de moi ailleurs
Maintenant quand j'ai été traitée d'étrangère
Dans ce pays que j'aime de tout mon coeur ?

Irai-je sur Mars et plus loin encore
Dans quels déserts faudra-t-il que je me réfugie
Faut-il inventer mille mondes indolores
Et je dirai: je suis d'ici

Si je ne peux m'envoler dans ces espaces amères
A quelle profondeur faudra-t-il que je creuse
Pour être en paix, pour être une femme, pour en être fière
Et que l'humanité me semble moins hideuse

Tous les miens sont morts à la guerre
On a volé mon héritage, le leur
Je me demande: mais pour quoi faire ?

Les gens, les gens, cultivent la douleur
Jardiniers idolâtres avides et anaphores
Anachorètes anachroniques, terre sans poésie

Que laisseront-ils de tout ce que j'adore
Du ciel, de la terre, des mots, de la vie que voicis
Des hommes humains, des hommes un peu moins pervers

Nous battrons-nous des heures glorieuses
Couronneront-elles la bêtise, le sang, le fer
Est-ce moi, est-ce la Folie qui est une gueuse ?

Demande la Paix au Monde, mais il est occupé.

 

 

Blancs

0 mon amour brûlant ma véridique foi
Qui disparut dans le temps ainsi que ton langage
Les humains à ce jour démunis, sans bagages
Ces enfants capricieux n'obéissent plus aux lois

0 vérité, l'unique, le puits, source de vie
Nos mandibules transies mâchoires engourdies
N'articulent plus un son sans devoir écorcher
Incompréhensibles les mots d'éternité

Il n'est de vrai toujours que le pollen des fleurs
Que portait le vent mais, lui-même n'existe plus
Dans l'horizon trahi c'est devenu la terreur
Tous nos chemins d'antan c'est fou se sont perdus

L'éclat du jour paraît muet et l'air tremblant
Comment voir autrement, je demande, comment
La poussière de la terre sur de faibles sentiers
Trahit la fatigue de nos pas effarouchés

L'échine courbée face à tous nos jours dépendants
Va tel un fantôme va au manoir primordial
Après avoir cherché les portes vainement
Du ciel pour son repos le plus sacerdotal

Tu étais vertébrale colonne, étais piler
D'ordre de vie sociale, renfort d'humanité
Comme l'amnésique sur le seul visage de sa mère
Voit impuissant couler des larmes meurtrières

 

 

La déclaration d'évidence

Je ne te regarderai pas
Je ne te toucherai pas
Je ne t'écouterai pas
Je ne te respirerai pas
Je ne t'essayerai pas
Je ne t'imaginerai pas

Mensonges
Non-dits
Faux-semblants
Calomnies
Trahison
Blasphème

Et je ne puis que te voir
Et je ne sais que te frôler
Et je ne peux que t'entendre
Et je ne fais que te sentir
Et je ne désire que goûter
Et j'embrasse le vide à rêver

J'ai pris une crampe
Je suis restée paralysée
J'étais tétanisée

Immobile
Transie
Pétrifiée

Pour le coup,
Tu es passée sans rien remarquer.

 

 

Le sceptre des justes

Le sceptre des justes est bleu horizon
Bannière étiolée du monde ici-bas
Seul combat permis rappelle la Raison
Qui va son chemin d'un bien morne pas
C'est que son amant l'Hémisphère de Gauche
La trompe hardiment pour plus jolie qu'elle
Fille! Passe ton chemin ici pas d'embauche
Pour toi ma rêveuse ni même pour icelles
Vertueuses qui croient aux vieux adages

Le sceptre des justes est bleu horizon
Soutien ébranlé d'un monde sans partage
Mais où donc est-il brave fanfaron
Le preux chevalier défenseur du droit
Cet idéaliste travaille à l'idée
Il en tient une très fort dans ses bras
Qui cuisine aussi la douce hyménée
C'est donc un dortoir cet aérodrome ?
Demande la Vie elle, a raté l'avion!

Le sceptre des justes est bleu horizon
Allez jouer plus loin cassez-vous les mômes
Et toi la Vie, toi, cherche pas va cherche pas
Faudrait qu'on t'explique et tu pigerais pas
Avec la Raison on va ouvrir un
Club histoire de voir et pour président
On fera revenir parmi nous le Bien
La mauvaise idée n'en fais rien crois m'en
Tu le contrarierais, il est occupé
Là-bas par derrière, il se fait attraper.

 

 

Les saisons

Une feuille d'arbre dorée vint, tombant légèrement sur le sol
Une caresse de vent est passée un, courant d'air dans l'entresol
Un rien troublant d'éternité pendant éphémère de nos sorts
Combien de fois rêvés mêlés à l'imaginaire et plus encor

Un rai de soleil glisse entre les arbres embrase la terre
Quelques gouttes de pluie sur le marbre du temple millénaire
Où nos espoirs se fondent dans l'encens et sa fumée bleue
J'ose croire simplement que des années heureuses, bleues

Viendront.

Un parfum de rose chevauche le vent imperceptible
En toute chose, respire mon sang! mon imprescriptible,
Hume les secrets les plus délicats les sources du bonheur

Un sourire d'enfants a plongé dans ma mémoire
Je l'échangerai pour un autre et pour tous y croire
Sans intérêts iniques et potentats, un monde sans heurts

 

 

Les bûcherons

J'ai pris un sentier dans la forêt
D'où j'aperçois les montagnes en contrebas
Le sol est mouillé de la boue colle à mes pas
L'horizon est en feu sous ce manteau de chênes épais

Nous irions ici ensemble sais-tu, si tu voulais
Nous garderions pour nous tout ce qui n'a pas été dit
Nous marcherions dans le silence de la vie
Sous un manteau de brume tandis qu'elle s'endormait

Nous attendrions le printemps patiemment et confiantes
A ramasser quelques cailloux le long des chemins
A apprendre doucement les mots des lendemains
J'abaisserais les branches sur ton passage, tremblante

Et heureuse servante de l'avenir inconnu
Et sans emprise aucune sur ce petit monde de sous-bois
J'aurais voulu que nous gravions ensemble au creux du bois
Sur une pierre tous les serments que je ne retiens plus

Nous rentrerions mouillées avant le soir, rieuses
Tu sentirais la vie, le vent, l'automne
Sans crainte je te laisserais, que la nuit te soit bonne
Mais sur ce sentier ardu, je n'aperçois pas un pan, du ciel, ses promesses

 

 

La colline sur les pentes

J'entrevois en haut de la colline
Une maison blanche aux volets gris
Et tout devant des arbres roux
Oints sacrés par l'automne flamboyant

J'imagine dedans une petite cuisine
Une cheminée qui crépite de joie aussi
Une chaleur de rien du tout
Le confort n'est pas autrement

Sur le sol de laine vierge tapis persan
Une enfant s'est endormie
La tête contre le bois du fauteuil
Où sa grand-mère lut, assoupie à son tour

Un chat minaude sous un meuble de cent ans
La pendule elle-même s'est étourdie
L'automne durera toute une vie mon oeil
Semble-t-elle dire sans le vouloir toujours

Sais-tu cette colline inaccessible c'est mon désir
Et la douceur imaginée celle de ta peau
Le calme inespéré de cet intérieur
Celui de nos secrets ainsi sertis

Pour cette saison aux bleus du ciel qui va finir
J'ai écrit tout ce que voulaient te dire mes mots
En rêve, ils se sont envolés rieurs
Vers des espaces intenses, des infinis

 

 

Tip-tap-tap

Je clopinais dans les rues grises et trépidantes
Insatisfaite sous la bise brûlée verglaçante
Gelée, furieuse, tip-tap-tap et très en retard
Vivement, tubleu! vivement, tip-tap, il se fait tard

Le froid tapi, transperçant me brisait les os
Tantôt tout en marchant je grognais tous les mots
Connus et inconnus trop injuste destin
Dans les rues des places, des mendiants, des cabotins

Escamoteurs, les yeux plissés les poings serrés
Où vais-je, où vais-je tip-tap-tap, me suis-je demandé
A ton rendez-vous et grouille d'une toute petite voix
Susurraient tous les anges à ma légende de foi

A l'arrêt de bus, tip-tap, enfin survenu
J'avais ouvert les yeux tap-tap et aperçu
Cet femme totalement étrange en bras de chemise
Qu'elle était belle de la tête aux pieds, quelle emprise!

Trépignante, je me suis sentie mourir de chaux
Stridents, la bise partie, les vents tropicaux
Encerclaient mon âme, je l'ai laissée filer
Un cadavre dans le caniveau a roulé

Des liens de fers pris sur les planches d'un tonneau
Forgeron habile, tip-tap, défis ancestraux
J'ai revu l'Histoire, mon histoire dans un soupir
Je ne plierai pas genoux, je veux partir

J'ai aimé l'Espoir comme un grand maître absolu
En vérité je l'ai suivi comme j'ai pu
Plutôt que de l'abandonner comme les lâches
Je suis une femme debout, je suis sans attaches

 

 

Dernière lettre agrafée

Magie des mots mouvant manteau encadrement
Munis de faux dans le silence de la nuit lestement
Des hommes se sont levés au nom du sang
De la Terre qui a coulé bien trop souvent

Assez crient-ils sans rien dire ils glissent
Dans le silence et dans le vent d'abysses
Énormes se sont ouvertes prêtes au supplice
Qui vont se refermer sur les corps blanchis de leurs fils

Leurs pieds déchaussés par l'infortune écorchés
Supportent seuls tous ces corps démantibulés
Percés à vif brûlés, mort-nés
Grotesques triperies tarabustent le non-sens répété

Des toujours sur un océan sacrilège qui a tout emporté
Depuis la nuit des temps, combien ont-ils sombré
Mille et trente je ne sais plus compter

Un jour à force de sombrer, les hommes feront déborder la mer
Un jour à faire pleurer le ciel en somme cet univers
Redeviendra néant et chaotique comme avant l'ère

Quel magicien déçu voudra recréer la vie alors ?
Quelles désillusions et tous ces corps à corps
Il n'y a que de mes mains que je puisse quelque chose d'abord

 

 

Les mots

J'ai dit au monde: voilà ce qui importe
Le bleu de ces yeux purs comme le sang
Notre amitié car elle seule réconforte
La foi dans nos promesses de cent ans

Une rose, un lys, un oeillet, un souci
Une marguerite, un muguet, une aubépine aussi
Toutes ces fleurs de brume qui nous attendent
Au creux du bois de vérité, Samarcande

Et mille rêves échevelés d'aimer la vie
La liberté et l'honneur, être en vie
J'ai répété une chanson entendue
Au creux du gouffre éternité et l'ai bue

L'oubli a emporté mes rêves
Les doutes ont fait échouer la grève
Où des bateaux sur les brisants teigneux
Défiaient le temps, les jours heureux

Le chaume des toits sur le sol
Des cahutes grabataires et l'envol
D'hymnes à la gloire mystérieux et cruels
D'impudeur Tartuffe, ses frères rebelles

Do et ré et mi j'ouïs sept notes
Emportées elles aussi par le vent
Et le pluriel comme mille cohortes
Conjugue nos traces dans le temps

Vertige de mots inoffensifs et voici.

 

 

Le téléphone

Il est un pays signifiant et rare
Où nous sommes toutes deux réunies
Ni temporel ni géographique ni
Imaginaire où flottent nos amarres

Tels deux petits voiliers joyeux
Nous clapotons dans l'eau aux reflets
D'argent côte à côte nos perroquets
Mats de misaine sous le ciel bleu

Nous prendrons la mer demain
Et partirons au firmament
Pour te protéger, je passerai devant
Allons vite et ensemble un peu plus loin

Petits bateaux clapotant à marée basse
Chuchotaient de leurs petites voiles
Mues par le vent sous les étoiles
Leur amitié que rien ni personne n'efface

Le foc gonflé sous un rai de lune
Une odeur de liberté sous l'onde marine
Les emportait irrésistible et divine
De loin en loin ils chanteraient à la brune

Une tempête a éclaté sous les tropiques
Courageusement nos deux petits voiliers
Se sont battus mais au matin déchirés
Ils perdirent le cap sur cet océan pacifique

Au fil de ta voix je te recouvre
Et si je n'y suis je suis là
Même rompus rien ne séparera
Ce fil d'Ariane qui nous retrouve

 

Lettres Agrafées
       



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